L’année scolaire 2019-2020 fut une année troublée par des grèves des enseignants, par le virus Covid 19 ayant entrainé un confinement et des morts, un coup d’état et enfin des pluies diluviennes au mois de septembre. Notre ami Abdoulaye K. nous a écrit de nombreux mails dont je reproduis une partie dans ce billet.
D’abord les bonnes nouvelles :
Abdoulaye K., notre correspondant à Ségou a reçu deux décorations qui l’ont très honoré et ému. Le 29 Novembre 2019, les professeurs et étudiants de l’Université de Ségou ainsi que les élus de la société civile de Ségou lui ont octroyé un trophée appelé ‘’Djandjo’’ pour ses loyaux services rendus à la région de Ségou dans le domaine de l’enseignement, de l’agriculture, des relations humaines et de la Fondation Leila Fodil ! Il a remercié comme il se doit en citant les personnes qui l’ont aidé dans ses combats de tous les jours afin de modeler une génération encore meilleure : ses épouses, ses enfants, ses parents, ses amis d’enfance, ses camarades, ses collaborateurs, ses collègues (anciens et nouveaux).
En février 2020, il a reçu du Président de la République la décoration de chevalier du mérite agricole. En effet, depuis de longues années, Abdoulaye était le président des riziculteurs de Ségou, ceux qui cultivent grâce à l’inondation du fleuve Niger, et non pas avec le réseau des canaux issus du barrage de Markala.
Abdoulaye est venu à Angoulême au mois de février.
Comme chaque année, nous avons pu faire avec lui une mise au point des actions de la Fondation Leïla Fodl à Ségou. Il a pu rentrer juste avant le blocage des frontières dû à l’extension brutale de l’épidémie de coronavirus. Heureusement, il ne l’a pas contracté, mais il a souffert d’une fièvre typhoïde sévère à son retour.
À Ségou :
Les sautes brutales de l’intensité du courant ont détruit son ordinateur, malgré la protection. C’est pourquoi nous avons acheté un petit groupe électrogène avec lequel il peut travailler en sécurité.
Nos élèves :
Une fois de plus, au début de l’année 2020, les enseignants des écoles publiques ont fait grève. Ils réclamaient la prise en charge du loyer de leur logement. Ils devaient reprendre le 11 mai, le confinement est survenu. Au total ce furent environ trois mois de perdus.
Les professeurs des écoles privées dans lesquelles la Fondation place les enfants défavorisés n’ont pas fait grève. Ils ont seulement refusé de corriger les compositions. Les élèves sont donc à jour dans leurs études. Actuellement, ces écoles privées « rattrapent » le temps perdu à cause du confinement par une scolarisation en plein hivernage, qui correspond aux vacances scolaires. Le nombre de malades du virus n’est pas connu avec précision. Ils auraient été peu nombreux à Ségou
Dans les écoles publiques, les cours ont été totalement interrompus pendant au moins trois mois. Dans les écoles privées où nos enfants sont scolarisés, l’interruption n’a été que celle du confinement, deux mois cependant.
Les élèves des classes d’examen (préparation du DEF en 9° année) et ceux des écoles spéciales (Aveugles et sourds-muets) ont repris les cours depuis le 2 juin.
Les enseignants des écoles privées où sont scolarisés nos élèves n’ont pas fait grève. Il leur faudra deux mois de cours pour achever les programmes d’enseignement. Les cours ont repris à partir du 1er septembre 2020 et continueront jusqu’en novembre. Il s’agit de rattraper les trois mois d’arrêt des cours. La nouvelle année scolaire 2020-2021 commencera donc le 1er décembre 2020.
Ce rattrapage s’est fait pendant les mois de juillet à septembre, les mois traditionnels de vacances et ceux de l’hivernage pendant lesquels les pluies sont abondantes. Il faut savoir que quand il pleut à Ségou, beaucoup d’activités sont interrompues, car la boue dans les rues empêche les transports. Les motos taxis qui transportent à l’école les enfants aveugles de l’IRJAS ont abandonné. Abdoulaye a tenté d’y suppléer avec sa propre voiture. Il s’en est suivi un embourbement et même la noyade du moteur. De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu autant de pluie à Ségou. Quelques semaines plus tard, la sécheresse est revenue. Il faudrait un ou deux bonnes pluies en octobre pour que les récoltes soient convenables.
Avec les inondations, un certain nombre de familles de ces enfants aveugles, très pauvres, ont vu leur maison s’écrouler. Ils ont retrouvé des locations à Pelengana, un quartier excentré de Ségou. Cela va entrainer des difficultés supplémentaires de transport. Abdoulaye leur cherche des locations en ville.
Les dates des examens de fin d’année sont fixées : Les examens du DEF, du baccalauréat et du Brevet de techniciens auront lieu en octobre. Les élèves du Centre Agropastoral composeront en novembre pour le BT.
À Vicenta :
Les filles de la 3è année coupe-couture ont terminé leur année scolaire. Le Mardi 21 juillet elles ont reçu leurs machines à coudre. Elles « s’engagent à être davantage utiles à leur famille et à toute la société ».
Une de nos élèves : Assitan Konandji de la 1ère année coupe-couture à Vicenta est morte du virus. Paix à son âme.
Les autres classes ont repris pour rattrapage le 1er septembre pour terminer l’année en cours en novembre. La rentrée scolaire 2020-2021 aura lieu le 09 novembre.
À l’école technique du Centre de Perfectionnement Technique (CPTS) :
Pendant la période d’interruption due au covid 19, les jeunes apprenants suivaient leurs formateurs pour des cours pratiques dans les différents chantiers à travers la ville. Ils suivent actuellement les cours théoriques. Les examens auront lieu probablement en novembre.
Au Centre Agropastoral (CAPS) :
La situation est confuse.
L’État a cessé d’accorder des élèves boursiers dont les frais de scolarité sont la source principale de revenus. L’avenir est incertain. La Fondation n’a pas embauché d’élèves en première année.
À l’Université :
C’est là que les professeurs ont le plus mené de grève cette année. Au total, les étudiants n’ont pas fait plus de trois mois de cours. Ils sont actuellement en classe.
On ne sait pas quand s’achèvera leur année scolaire.
Les problèmes sociaux se sont multipliés.
Le Père d’Assitan Traoré scolarisée à l’école Une chance Pour Tous était bûcheron. Il est décédé il y a quatre ans suite à une morsure de serpent. Sa mère est maintenant aide-ménagère (servante). La fille avait été inscrite à l’école par un voisin. Mais cette année, ce dernier ayant perdu son emploi n’a plus pu prendre en charge l’enfant. Elle a été prise en charge par la Fondation.
À Vicenta, la Sœur Marie Angeles nous a soumis le cas d’une fille de la 2è Année d’infirmière qui est orpheline de père. Sa mère fait la servante dans une autre famille. Le soutien a perdu son emploi. La sœur Maria Angeles, était obligée de la remercier suite au non-paiement des frais de scolarité. La Fondation Leïla Fodil l’a prise en charge. La varicelle a fait souffrir beaucoup d’enfants surtout en cette période de fortes chaleurs. Ils sont tous guéris.
Les cas de paludisme ont été nombreux.
La pluie a provoqué des accumulations d’eau dans certains quartiers de la ville dont l‘écoulement des eaux ne se fait pas vers le fleuve mais vers l’intérieur des terres, et dans les autres quartiers car les caniveaux dans lesquels les habitants jettent leurs ordures n’ont pas été curés et n’ont pas pu évacuer l’eau vers le fleuve.
Le centre de Santé du Cercle de Ségou a donné à la Fondation Leïla Fodil 200 moustiquaires imprégnées.
Le chef de l’état Ibrahim Boubacar Keita a été démissionné
Abdoulaye écrit : Le Président a perdu le contrôle de l’Etat. Le peuple a exigé sa démission puis un coup d’État l’a renversé.
On lui reproche sa mauvaise gestion, les détournements d’argent, la corruption à grande échelle, l’insécurité, la mauvaise gouvernance, la gestion familiale du pouvoir. Le gouvernement de transition est présidé par un civil, colonel depuis peu en retraite. Ses ministres sont tous des militaires. Il avait promis un gouvernement formé de civils et l’islamisme n’est pas loin. À Ségou, il n’y a pas de problème. Les populations vaquent librement à leurs affaires. Le problème le plus sérieux qui trouble le sommeil des familles est le coût élevé des denrées de première nécessité.
Notre ami Abdoulaye conclut :
En ces moments difficiles, nous devons plus que jamais continuer à prendre soin des enfants dont nous avons la charge. Imaginez que lorsque certains de nos élèves tombent malades, je suis obligé d’aller les prendre en voiture afin de les faire soigner et ensuite de les ramener en famille. Beaucoup de nos parents d’élèves n’ont même pas le simple vélo.
Les enfants que nous aidons n’ont d’autres espoirs que la Fondation Leïla Fodil. Un jour, ce sont probablement certains d’entre eux parmi d’autres qui réussiront à faire sortir le pays du gouffre dans lequel il se trouve actuellement. C’est normal que vous ayez des soucis pour vos représentants à Ségou. Je vous rassure que nous sommes en sécurité. N’ayez aucune inquiétude.
À Ségou, il n’y a pas de problème. Les populations vaquent librement à leurs affaires. Le problème le plus sérieux qui trouble le sommeil des familles est le coût élevé des denrées de première nécessité. Priez pour nous afin qu’un jour nouveau se lève sur le Mali.
Mes chers amis de la Fondation Leïla Fodil, merci aussi à vous. Grâce à vous de nombreuses familles sont sorties de la misère, de la précarité, de la mendicité. Que le Tout Puissant vous gratifie de son bonheur éternel.
Jean-Bernard JOLY
Président de la Fondation Leïla Fodil
P.S. : Vous pouvez voir sur la photo une partie de la classe de 1ère année à l’école Hampâté Ba au début du mois de septembre 2020.